Pilier de la culture japonaise, la cérémonie du thé pratiquée dans l’archipel nippon trouve ses racines en Chine. Cet art de recevoir hautement codifié se transmet de génération en génération au Japon, autour des valeurs d’harmonie avec la nature, de respect de l’autre et de la réalisation du moi.
L’histoire du Cha no yu– ou cérémonie du thé– débute dans l’Empire du milieu, sous la dynastie chinoise Song (960-1279). A cette époque, l’école du thé battu succède à celle du thé bouilli.
En Chine, berceau du thé, naît progressivement un culte autour de cette boisson. Plus qu’un passe-temps, elle devient un moyen d’accéder à la connaissance de soi. A son retour de Chine, le moine Musō Eisai (1141-1215) fonde la secte Rinzaï et diffuse la pratique du thé battu dans les monastères de l’archipel. Ce thé battu, riche en théine, accompagne la méditation et stimule l’éveil. Il obtient rapidement un franc succès chez les aristocrates et parmi les moines zen. Ces derniers s'en servent durant les séances de zazen pour lutter contre le sommeil. Mais on l'utilise surtout comme remède à des maux divers car il est très cher.
Sous les shōguns Ashikaga, au XIV-ième siècle, le matcha est cultivé au Japon et il est utilisé parmi les classes citadines qui en font le centre d’un jeu de société appelé tōcha. Les joueurs doivent goûter plusieurs variétés de matcha et deviner leurs régions de production. Des prix sont attribués aux gagnants. Ce jeu connaît une telle vogue qu'il favorise le développement des plantations. Dans la région de Kyōto, celles des environs du village d'Uji deviennent les plus réputées. Elles le demeurent aujourd'hui.
Par la suite, le tōcha va évoluer. II ne s'agira plus de réunions ludiques, mais où l'on appréciera des calligraphies, des céramiques, des laques, des peintures, des poèmes chinois, etc. Cet aspect des rencontres de thé favorisera aussi plus tard l’essor du propre génie artistique japonais. On peut dire que ce qui deviendra le chanoyu est «la mère» de nombreux arts japonais, y compris l’art des jardins, des bambous et l'architecture, qu’elle soit intérieure ou extérieure.
Vers la fin du XV-ième siècle, un prêtre zen nommé Shukō Murata (1423-1502) invente un premier rituel : le wabicha (thé de la tranquillité). Les croyances sont alors clairement mêlées à la pratique. Le wabicha est réputé s’inspirer du bouddhisme zen, mais il emprunte aussi aux cultes animistes de la nature et à leurs rites de purification. Shukō Murataeu l’idée de pratiquer cette cérémonie en tant qu’exercice spirituel. Il imposa également l’idée d’utiliser des instruments plus simples, ainsi que celle du pavillon de thé ou chashitsu de petite taille, destine à rapprocher les participants entre eux.
Ensuite vint Takeno Jō qui, conformément aux idées de Murata Shuko, conçut des ustensiles au style simpliste, ainsi qu’un petit meuble destiné à les ranger.
A Osaka, durant la période de Momoyama (seconde moitié du XVI-ième siècle), un riche marchand nommé Sen-no-Rikyū (1522–1591) enseigne le wabicha au Taikō (Généralissime) Toyotomi Hideyoshi, le véritable maître du Japon de l'époque. Sen-no-Rykyūcodifie alors le chanoyu tel qu'il est toujours pratiqué aujourd'hui. Il le dote surtout de ses trois grands principes : wa (l’harmonie ou la paix), kei (le respect) et sei (la pureté) qui doivent conduire à jaku (la sérénité).
Mais en 1591, Toyotomi ordonne à Sen-no-Rykyūde se faire hara-kiri – pour des raisons d'ailleurs obscures dont on ignore si elles sont liées ou non au chanoyu. Ce drame est le thème du fameux roman de Yasushi Inoué (1907-1991), Le maître de thé, dont deux films ont été tirés : Mort d’un maître de thé et Rikyū.
Plusieurs décennies après la mort de Sen-no-Rykyū, pendant l’ère d’Edo (dynastie des shōguns Tokugawa, 1603-1868), ses arrière-petits-fils reprennent son héritage. Son enseignement se scinde alors en trois écoles, toutes trois situées à Kyōto dans la maison même de ses descendants. Et chacune de ces trois écoles est dirigée par l'un des trois frères : l'école Omotesenke qui signifie littéralement «Maison de Sen de devant», l'école Urasenke, «Maison de Sen de derrière» et l'école Mushanokōjisenke, «Maison de Sen de Mushanokōji» ou, en français : «Maison de Sen de la rue des samurais».
Ces trois écoles demeurent aujourd’hui les plus réputées du Japon. Et l'un des trois descendants directs de Sen-no-Rykyū, M. Sen Sōshitsu Zabōsai, est le grand maître de l'école Urasenke depuis 2002. Il est aussi parent par alliance de l’empereur Akihito. Il est connu des Japonais sous le nom de Sen Sōshitsu XVI. Les grands maîtres d'Omotesenke et de Mushanokōjisenke, descendent eux aussi directement des deux autres arrière-petits-fils de Sen-no-Rykyū.
Extraits des sites:
http://www.matsumiya.info
http://www.cookismo.fr
http://www.nautiljon.com